Les corps étrangers digestifs
L’ingestion de corps étrangers par les animaux de compagnie est relativement fréquente.
Elle concerne le plus souvent les jeunes animaux (souvent plus joueurs que les adultes) et est fréquente chez le chien et le furet (un peu moins chez le chat)
Ces corps étrangers avalés n’ont parfois aucune répercussion sur l’état de santé de l’animal (notamment s’ils sont vomis peu après leur ingestion ou s’ils parviennent à transiter naturellement tout le long du tube digestif) mais ils peuvent également, lorsqu’ils sont responsables d’occlusion ou de perforation, avoir de très graves conséquences, voire entraîner la mort de l’animal.
Les causes d’absorption de corps étrangers
Les corps étrangers peuvent être avalés par accident au cours d’un jeu
Les jeunes chiots adorent explorer leur milieu en portant tout nouvel objet rencontré à la gueule.
Les chats aiment beaucoup jouer avec toute sorte d’objets longs (ficelle, pelote de laine, rideaux de fils…).Ces jeux peuvent aboutir à l’absorption d’un corps étranger linéaire.
Un lapin laissé en liberté aura accès à divers types de matériaux comme les fibres de tapis ou de moquette, des morceaux de papier, de carton…
Le comportement du furet favorise le risque d’avaler des corps étrangers: les furets passent énormément de temps à mordiller, déchiqueter tout ce qui est laissé à leur portée, y compris des objets non comestibles (ficelle, tissu, serpillière, tapis, morceaux de plastique, joints en caoutchouc…).
De plus, ces animaux ne sont pas capables de digérer les végétaux et le diamètre de leurs intestins est très réduit. Tout élément de plus d’un centimètre de diamètre (y compris alimentaire) est donc susceptible de provoquer chez eux une occlusion (croquettes pour chien, morceaux de noisettes, noyau de cerise, cacahuète…)
Une grande quantité de poils présente dans le tube digestif d’un animal peut également se comporter comme un corps étranger.
Ce phénomène peut se rencontrer
chez les animaux ayant un comportement de toilettage très marqué : Les chats ou lapins particulièrement attentifs à leur toilette peuvent absorber une très grande quantité de poils en se léchant. Ces “boules” de poils peuvent provoquer des troubles du transit.
Ces troubles digestifs sont accentués chez les rongeurs qui boivent peu et reçoivent un régime pauvre en cellulose et en verdure fraîche: le transit est alors ralenti et les boules de poils contenues dans l’estomac se déshydratent donnant naissance à des amas très compacts appelés trichobézoards.
chez des animaux parasités ( présence de gale, puces, cheyletiellose…) qui s’arrachent les poils en se grattant et en avalent une grande quantité.
Enfin, certains troubles du comportement peuvent favoriser l’absorption de corps étrangers.
C’est notamment le cas des animaux hyperactifs qui passent leur temps à mâchouiller toute sorte d’objets et des animaux souffrant de dépression d’involution (chiens âgés chez lesquels réapparaissent des comportements infantiles comme l’exploration orale: ces vieux animaux se remettent à porter à la gueule et à manger des objets non comestibles)
Symptômes
Dans certains cas, l’objet absorbé par accident va être vomi ou transiter sans encombre dans tout le tube digestif (objets insolites retrouvés dans les selles de l’animal)
Malheureusement, il peut également rester bloqué dans une région du tube digestif et entraîner divers troubles. Ces derniers seront variables en fonction du type d’objet avalé et de la zone du tube digestif dans laquelle il est localisé:
Les corps étrangers bloqués dans la gueule ou le pharynx sont souvent facilement mis en évidence. Ils s’accompagnent d’une gêne pour s’alimenter et d’une importante salivation.
Les corps étrangers situés dans l’estomac sont parfois relativement bien tolérés, au moins en début d’évolution. Chez les carnivores, les troubles associés à leur présence sont ceux d’une gastrite chronique (inflammation chronique de l’estomac): l’animal mange moins bien, vomit régulièrement…Chez les rongeurs (lapin, chinchilla, cobaye, hamster…), une stase gastrique (ralentissement du transit digestif et accumulation des aliments dans l’estomac) pourra faire suite à l’absorption de boules de poils, de carton, de litière ou de fragments de moquette. L’animal fait alors de petites crottes très dures et sèches voire plus de crottes du tout; il devient moins vif et perd progressivement l’appétit.
Lorsqu’un corps étranger vient se loger au niveau des intestins, les troubles apparaissent , en général, beaucoup plus brutalement.
Les symptômes sont d’autant plus importants que l’objet se situe “au début” des intestins: les animaux en occlusion vont se déshydrater très rapidement, et leur état général se dégrade brusquement. Ils refusent souvent toute nourriture et présentent fréquemment des vomissements incoercibles.
L’animal se plaint lorsqu’on lui palpe le ventre et se place dans des positions révélatrices d’une douleur abdominale: il reste prostré, replié sur lui-même et semble souffrir lorsqu’on veut le faire avancer ou il se place dans la position “du prieur” (il se couche sur les membres antérieurs mais garde les postérieurs relevés).
L’occlusion s’accompagne d’un arrêt du transit mais l’animal peut encore néanmoins émettre des selles sous forme de diarrhées sanguinolentes.
Si aucun traitement n’est instauré, l’animal va souffrir d’une très importante déshydratation associée à de très graves troubles hydroélectrolytiques entraînant des conséquences gravissimes pour l’organisme.
De plus, ces corps étrangers restés dans le tube digestif pourront provoquer la mort des tissus intestinaux ou des perforations intestinales suivies de péritonites.
Quelques points à retenir…
Les vomissements sont très fréquents lors d’absorption de corps étranger mais ils ne sont pas systématiques. L’anatomie de certaines espèces ne leur permet d’ailleurs pas de vomir, comme c’est le cas pour le lapin et de nombreux autres rongeurs. Inutile donc, chez ces animaux, de rechercher ce symptôme.
Une occlusion s’accompagne d’un arrêt du transit digestif mais pas forcément d’une absence totale de selles. Parfois, de petites quantités de selles sont encore émises sous forme de diarrhées sanguinolentes.
Enfin, certaines sortes d’objets avalés peuvent provoquer des symptômes beaucoup plus frustes.
C’est le cas des corps étrangers linéaires
Ces corps étrangers ( fil de pêche, fil de guirlande, lien de sac poubelle, fil d’un rideau de fils…) sont parfois avalés par les chats au cours d’une séance de jeux.
Une partie du corps du fil s’accroche à la base de la langue tandis que les deux extrémités sont avalées.
Le fil va donc continuer sa progression dans le tube digestif tout en restant coincé, pour une partie, à la base de la langue.
Les symptômes associés à la présence de ce corps étranger sont, au départ, beaucoup moins importants que ceux d’une occlusion intestinale (le transit n’est pas interrompu immédiatement) mais les conséquences de la présence du fil vont être tout aussi graves pour l’animal: en effet, les intestins vont continuer à se contracter sur ce “fil tendu” et vont soit s’amasser autour du fil (entraînant les mêmes symptômes qu’une occlusion), soit être cisaillés par lui (déclenchant alors une perforation intestinale, une péritonite…).
Lors d’occlusion, tous les symptômes révélateurs de l’affection ne sont pas toujours forcément présents.
Il convient donc de consulter un vétérinaire lors de toute fatigue subite de votre animal associée à des signes de douleur abdominale (ce d’autant plus qu’il s’agit d’un animal jeune et joueur).
Diagnostic de la présence d’un corps étranger
Une description précise des troubles que vous avez pu observer chez votre animal (modifications du comportement, apathie, refus de s’alimenter, vomissements, constipation, refus de se coucher…) pourra aider le vétérinaire à suspecter l’absorption d’un corps étranger.
La palpation abdominale révélera très souvent une importante douleur abdominale mais le diagnostic de certitude nécessite l’utilisation de diverses méthodes d’imagerie médicale:
La présence de certains corps étrangers peut être suspectée voire directement révélée par une radiographie simple: une dilatation de l’estomac et la présence d’air sur une radiographie abdominale de lapin feront très fortement suspecter la présence de trichobézoards tandis que des objets métalliques ou des os seront directement visibles sur le cliché radiographique de l’abdomen d’un chien.
en vert: corps étranger dans l’abdomen d’un chien (il s’agissait d’un morceau de caoutchouc)
(la radiographie révèle également la présence de calculs dans la vessie)
L’endoscopie peut être employée pour mettre en évidence des corps étrangers situés dans l’oesophage ou l’estomac.
Enfin, des objets non radio-opaques (gants de toilette, ballon baudruche, chaussette…) pourront être recherchés par radiographie après absorption par l’animal d’un produit de contraste ou encore par échographie.
Traitement
Dans certains cas bien précis, un traitement médical pourra être tenté
pour des objets de petite taille et non blessants situés dans l’œsophage ou l’estomac.
(des vomissements seront alors provoqués chez l’animal pour essayer de lui faire rendre les objets ou le vétérinaire tentera de les retirer par endoscopie)
pour des corps étrangers situés vers la fin du tube digestif ou pour lutter contre la présence de boules de poils n’ayant pas de répercussion sur l’état général de l’animal.
(Une augmentation du transit est, dans ce cas, recherchée afin de les éliminer par les voies naturelles: lubrification des parois digestives, augmentation du transit à l’aide d’un traitement médicamenteux, augmentation de la quantité de fibres dans la ration alimentaire grâce à des poireaux, courgettes, endives..)
Mais la plupart des corps étrangers doivent, après réhydratation et stabilisation de l’état général de l’animal, être retirés chirurgicalement
En ouvrant l’estomac pour les corps étrangers situés dans l’estomac (gastrotomie)
en procédant à une ouverture des intestins pour les corps étrangers intestinaux (entérotomie).
Parfois, une partie de l’intestin doit également être retirée si la paroi est très lésée (entérectomie)
L’ingestion d’un objet n’est pas un phénomène rare chez nos animaux de compagnie et il est important de rapidement suspecter l’absorption d’un corps étranger car les conséquences qui en résultent peuvent être catastrophiques en l’absence de traitement .
Certaines mesures peuvent limiter les risques d’occlusion telles que
Un brossage biquotidien des animaux à poils longs pour limiter au maximum l’ingestion de poils
La distribution régulière d’une spécialité vétérinaire aidant à la migration de ces poils chez les animaux qui en vomissent régulièrement (huile de paraffine en gel, ésérine…)
Une surveillance accrue des jeunes animaux ou des espèces très “joueuses” comme le furet
Le fait d’empêcher tout jeu avec des objets linéaires ( liens de sacs poubelles, rideau de fils…)